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Sidi Larbi Cherkaoui

Entrevue avec Sidi Larbi Cherkaoui, le chorégraphe de Starmania

Sidi Larbi Cherkaoui

Comment vous décririez-vous en quelques mots ?

Hybride, éclectique, patient, mélancolique, curieux, différent…

Quel est votre rapport personnel à Starmania (avez-vous gardé des souvenirs liés à ce spectacle ? Que vous évoque-t-il ? Écoutiez-vous les chansons lorsque vous étiez enfant… ?)

J’écoutais souvent les chansons de Starmania quand j’étais plus jeune. J’étais toujours fasciné par les paroles prophétiques et les mélodies mélancoliques. J’ai été profondément ému par un morceau comme « La Chanson de Ziggy », qui parlait d’un garçon qui était différent des autres. Je pouvais complètement m’identifier à lui. Comme dans ma jeunesse il n’y avait pas Internet pour trouver des images du véritable opéra rock, j’inventais dans mon esprit des images allant avec la musique. Tout ce que j’avais à l’époque étaient les voix incroyablement émouvantes de chanteurs emblématiques tels que France Gall, Daniel Balavoine… et d’interprètes comme Maurane. De cette façon, Michel Berger et Luc Plamondon ont eu un impact profond sur mon développement musical, même avant que je commence à étudier la musique.

Pouvez-vous nous donner quelques informations au sujet de vos intentions artistiques et chorégraphiques pour la nouvelle version de Starmania ?

Pour Starmania, je veux créer un lien entre les mouvements de la rue et l’image d’un futur pas si lointain, ce qui signifie travailler avec le langage du mouvement inspiré par les styles de la rue comme le waacking ou le tutting ou encore des styles de mouvement plus contemporains. Il est important de conserver une forme extrême de musicalité, de vitesse et d’articulation. Trouver les bons gestes ou positions de main sera mon objectif principal. La danse doit être aussi théâtrale que l’est l’opéra rock, elle doit permettre de raconter l’histoire dans toute sa violence et dans toute sa grâce. Elle doit traduire le désespoir et les dynamiques de pouvoir entre les personnages.

Sidi Larbi Cherkaoui débute sa carrière de chorégraphe en 1999 dans « Anonymous Society », une comédie musicale contemporaine d’Andrew Wale inspirée de la musique de Jacques Brel. Depuis, il a créé une œuvre colossale, qui s’étend au-delà des frontières des cultures et des disciplines. Il est aujourd’hui le directeur artistique du Ballet royal de Flandre ainsi que de sa propre compagnie de danse Eastman. Il est aussi un artiste associé au Sadler’s Wells Theatre à Londres et au Théâtre National de Bretagne à Rennes. Sidi Larbi Cherkaoui propose au public une multitude de projets et de collaborations ; allant de la danse contemporaine au théâtre, du ballet aux comédies musicales, des arts du cirque au cinéma.

Cherkaoui s’est illustré à plusieurs reprises dans le domaine de la comédie musicale. Il signe en 2005 une nouvelle collaboration avec le metteur en scène Andrew Wale avec « Some Girls Are Bigger Than Others » qui s’inspire des chansons et de la musique de Morrissey, chanteur des Smiths. Son travail en tant que chorégraphe de comédie musicale peut être vu actuellement à Broadway avec « Jagged Little Pill », réalisé par Diane Paulus et avec un livret de Diablo Cody. Le spectacle est inspiré de l’album éponyme d’Alanis Morissette datant de 1995.
Sa participation à deux spectacles du Cirque du Soleil (« Michael Jackson ONE » en 2013 et « Kurios » en 2014) mérite également d’être mentionnée.

Dans le domaine de la musique, Cherkaoui s’est fait connaître du grand public grâce à ses nombreuses collaborations avec Beyoncé. En 2016, il est appelé à chorégraphier une partie du morceau « 6 Inch » à l’occasion de sa performance au concert caritatif TIDAL X: 10/15. Quelques mois plus tard, il participe à la chorégraphie du medley de neuf minutes « Lemonade » à l’occasion de la cérémonie des Grammy Awards. Beyoncé et Jay-Z lui demandent également son avis sur leur tournée « On the Run II Tour » en 2018.
Il est par la suite convié à co-chorégraphier le clip vidéo « Apeshit », réalisé par Ricky Saiz au musée du Louvre. Plus récemment, Cherkaoui a conçu la chorégraphie du clip vidéo « Spirit », une chanson issue de la bande originale du film « Le Roi Lion ».
Il a également créé des clips vidéo avec le groupe islandais Sigur Rós, le chanteur-interprète Woodkid et le groupe britannique Depeche Mode.

Cherkaoui a également fait plusieurs incursions dans le cinéma. Il a notamment chorégraphié le long-métrage de Joe Wright, « Anna Karénine » en 2012. Plus récemment, il a signé la chorégraphie de plusieurs scènes du film « Girl » de Lukas Dhont, lauréat de la Caméra d’Or au Festival de Cannes et nominé pour un Golden Globe.

Même s’il est à de multiples occasions sorti des sentiers battus, le lien qu’il entretient avec la danse contemporaine et le ballet demeure profondément ancré dans son travail. Il s’est associé avec le Ballet de l’Opéra de Paris dans le cadre de plusieurs créations : « Boléro » (2013) avec Damien Jalet et Marina Abramović, « Casse-Noisette » (2016) pour Dmitri Tcherniakov et sa nouvelle chorégraphie verra le jour au cours de la saison (2020-21). Son affinité pour le ballet l’a mené à ses réalisations les plus médiatisées et à ses collaborations transversales les plus prometteuses, notamment avec des artistes plasticiens (Amine Amharech, Hans Op de Beeck, Antony Gormley…), des créateurs (Hedi Slimane, Karl Lagerfeld, Riccardo Tisci, Jan-Jan Van Essche…) et des musiciens (A Filetta, Felix Buxton, pour n’en citer que quelques-uns). Il a également créé des pièces pour des danseurs de ballet renommés à l’instar de Natalia Ossipova (le trio « Qutb », 2016), Carlos Acosta (le duo « Mermaid », 2017), Marie-Agnès Gillot et Friedemann Vogel (un duo issu du ballet « Firebird » pour la Fondation Louis Vuitton, 2017).

Au cours de sa carrière, Sidi Larbi Cherkaoui a reçu de nombreuses récompenses. Il a notamment reçu deux Olivier Awards (en 2011, pour « Babel(words) » avec Damien Jalet, et en 2014 pour « Puz/zle »), trois Tanz Awards pour meilleur chorégraphe (2008, 2011, 2017), un Fred & Adele Astaire Award pour le film « Anna Karénine » (2012) nominé aux Oscars et aux BAFTA, et le Nijinsky Award pour Chorégraphe Prometteur en 2002 pour « Rien de Rien ». Plus récemment, il a reçu un Elliot Norton Award pour son travail chorégraphique exceptionnel sur la comédie musicale « Jagged Little Pill » (2019). Son talent a été reconnu bien au-delà du monde de la danse. En 2009, Cherkaoui s’est vu attribuer le Kairos Prize par la fondation Alfred Toepfer Stiftung en gage de remerciement pour sa philosophie artistique et son engagement en faveur du dialogue culturel. L’Université d’Anvers lui décerne un doctorat honorifique en 2016. En 2018, il reçoit le Prix Europe pour le Théâtre reconnaissant son « engagement perpétuel à former des collaborations avec des artistes du monde entier ». En décembre 2019, le gouvernement français lui attribue le titre de « Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres ».

Sidi Larbi Cherkaoui est très heureux de prendre part à l’aventure « Starmania », une œuvre avec laquelle il est très familier puisque les chansons de Michel Berger et Luc Plamondon ont bercé son enfance. L’atmosphère dystopique du spectacle l’inspire et l’intrigue profondément. Même quarante ans après la création du spectacle, Sidi Larbi Cherkaoui continue de s’identifier aux thèmes de cette œuvre classique. Aujourd’hui, il souhaite en donner une version actualisée.

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